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| | Coast to coast | |
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+8Papy Mario Bonduel forever young fangio bokia tonio69 -=aMd=- Dayton 12 participants | |
Auteur | Message |
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Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Coast to coast Dim 29 Mar 2009 - 10:08 | |
| Rappel du premier message :Au hasard des rencontres, je viens de tomber sur une série de photos assez extraordinaires, de bonne qualité, d'un format assez conséquent (21x25 environ - 8x10 pouces-). Il s'agit d'un témoignage, sous la forme de 39 photos d'un road depuis la côte ouest des USA jusqu'à la côte est (coast to coast), en 1948. J'attends avec impatience l'arrivée de ces photos, et je vous en livre ici la primeur, à partir de quelques vues envoyées par le proprio ... .. et il y en a 39 de ce style. Je suis hyper content. |
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Auteur | Message |
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Bonduel fidèle
Date d'inscription : 30/07/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Mar 18 Aoû 2009 - 0:07 | |
| 'Ache... Y’aurait comme un goût de haute voltige plumitive dans c’te prose que ça en commencerait à me faire frissonner les papilles façon littéraire. Ca sent le ciselé, la syntaxe travaillée à l’ancienne, le mot dégauchis sous la lampe à pétrole, le verbe sous pesé avant l’étalage, l’adjectif calibré au scalpel de chirurgien perfectionniste, l’adverbe distillé avec la parcimonie réservée aux grands crus. Tiens, j’irais jusqu’à dire que de plat principal, l’illustration devient accessoire, anecdotique et s’efface devant le récit. Je dis Môssieur Dayton. J’attends la suite avec la fébrilité d’une jouvencelle la veille de son premier bal. |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Mar 18 Aoû 2009 - 7:02 | |
| coooool |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Jeu 20 Aoû 2009 - 12:03 | |
| J'arrête de bosser, j'attends la suite. |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 12:50 | |
| Du sable dans une bouteilleJ’avais organisé mon barda pour tout avoir sous la main rapidement, de la paire de lunettes rangée derrière le windshield, au thermo de café coincé sous le buddy. Les outils étaient coincés dans leur coffre métallique, et j’avais vidangé tout ce qui devait pouvoir couler dans le moteur ou lubrifier la machine.
Maintenant, Dad me regardait tourner autour de la bécane sans piper mot, assis sur le perron de la concession. Il avait sorti de sa poche l’un de ses petits cigares noirs rapportés d’Italie et tirait dessus en soufflant par le nez.
« Tu vas y arriver, fiston ? ». J’ai pas répondu de suite, occupé à caler la pompe à air dans son rack. Il a alors tourné la tête vers la bâtisse blanche et en soulevant la visière de sa casquette : « Tu fermeras l’atelier avant de partir, je dois récupérer des pièces chez Dick avec Rudy. T’auras qu’à planquer les clés là où tu sais. »
J’ai regardé du côté du grand cactus planté sur l’aile de la concession. Une chouette minuscule avait creusé une cachette idéale pour un trousseau de clés. Une fois, elles étaient tombées de la poche de mon pantalon, dans le désert, juste après que mon père ait reçu les nouveaux modèles 1937, j’m’en souviens encore. Je devais avoir dans les douze ans. Sur le jeu de clé, il y avait le logo Bare and Shield avec l’adresse de la concession. Il n’y avait qu’à suivre la route et se garer devant le magasin pour embarquer les bécanes et ruiner nos vies.On avait passé la nuit à chercher ce maudit trousseau à la lumière d’une torche, et je me rappelle du silence de mon père pendant qu’on fouillait le talus. L’oncle Rudy avait dormi dans le bureau avec un fusil à pompe, et c’est sur le coup de trois heures du mat’ qu’on était tombé dessus, bien planquées qu’elles étaient sous une charogne de chacal toute raide et aplatie.
Maintenant, le soleil tapait lourd sur la nuque. Nous attendions Rudy qui devait passer prendre mon père pour une livraison. Dad s’est levé lentement et s’est approché de moi en se protégeant de la lumière. Il m’a alors serré dans ses bras. Et le son de sa voix m’est parvenu direct dans l’estomac, comme d’une bobine enregistrée que j’aurais avalée avec l’appareil. « Y te manque rien, fiston, t’es sûr ? » Il a attendu un peu avant de desserrer son étreinte et a sorti de sa veste un objet enroulé dans un chiffon graisseux. J’ai souri en palpant la crosse du Lugger : « Mais Papa, je l’ai ramené pour toi, celui-là. - Il te sera plus utile qu’à moi. Y’a pas d’étranger qui traîne, par ici. »
Je l’ai regardé un instant dans les yeux. Son visage avait la patine frottée des cuirs de selle et son allure de cow-boy retraité portait loin l’ombre de ses longues jambes. Se déplaçant avec lenteur, ses doigts avaient gardé la vivacité de la jeunesse quand il bricolait, et j’aimais la façon qu’il avait de se frotter la lèvre inférieure avec le pouce avant de commencer à parler.
La veille, nous avions eu une discussion sur le sens de ce projet. Je savais que j’allais le priver de mon aide pendant quelques semaines, et je m’en voulais. J’avançais à reculons pour ce qui était de le convaincre. Mais c’était plus fort que moi, il fallait que je fasse ça. Alors, à court d’arguments, j’avais improvisé : « Je te rapporterai du sable dans une ‘tite bouteille ». Il avait rigolé en levant la tête et, montrant le désert alentour : « Du sable, fiston, mais pour quoi faire ? ».
Il a tourné le regard vers la piste sur laquelle avançait maintenant le pick-up de l’oncle Rudy, dans un nuage de poussière. J’ai logé le pistolet sous la selle tandis qu’il allait à sa rencontre.
Il a avancé jusqu’au camion dont le moteur continuait à tourner et a grimpé sur le marche-pied avant de regarder de mon côté : « Et puis n’oublie pas de donner des nouvelles à ta mère de temps en temps, Motard ».
C’est comme ça que j’ai quitté la concession Harley Davidson de Pittsville (CAL.), décidé à traverser le territoire des Etats Unis d’est en ouest, sur ma moto achetée de frais et préparée par moi-même.
A suivre ... |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 13:36 | |
| Juste accro, no comment |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 15:29 | |
| L’histoire de ma moto L’oncle Rudy avait la passion de la ferraille. Il collectionnait tout ce qui pouvait rentrer dans son garage et connaissait tous les propriétaires d’engins métalliques à 100 miles à la ronde. Comme il savait que je cherchais une bécane pour « faire le tour du monde », il avait activé ses réseaux et trouvé quelque chose « qui pouvait m’aller ». C’est comme ça que j’ai grimpé dans son pick-up un beau matin et qu’on est parti vers le nord.
Le soleil n’avait pas encore pointé le plus petit de ses rayons et ça faisait comme une lueur à droite, avec du bleu et du rose, rapport au vent de poussière qui allait se lever dans pas longtemps. « J’sais pas c’que ça donnera, ce plan, mais j’ai de bons échos. Le type est un original qui s’est dégoûté de la moto et a acheté une caisse avec la radio dedans. La moto est une seconde main avec peu de bornes au compteur. - Il veut pouvoir s’asseoir à côté de sa femme, maintenant. J’peux comprendre. - Il en a marre aussi de sa femme, fiston. C’est pour ça qu’il a mis la radio. »
On a continué à rouler pendant plusieurs heures, en essayant d’éviter les trous et les carcasses de coyotes qui séchaient sur le bord de la piste. De temps en temps, je jetais un œil sur la droite pour guetter l’horizon rosé et j’appréciais la découpe des cactus et des rochers, comme un cardiogramme rassurant.
Ca a été facile à trouver. Après le désert, on a suivi le petit cours d’eau bordé d’eucalyptus jusqu’à un embranchement qui indiquait Auburn. On a continué en suivant le plan que Rudy avait dessiné sur une feuille et j’ai remarqué une villa en bois, peinte en blanc avec une rangée d’arbres tout autour. Le gars finissait de tondre sa pelouse, et l’idée de tondre une pelouse sèche était déjà en soi un signe d’originalité. J’ai regardé mon oncle et il a fait comme un cul de poule avec les lèvres. J’ai compris que c’était pas un gars de chez nous. Après les présentations d’usage, il nous a conduit dans la remise et a soulevé une bâche.
La motocyclette reposait sur sa béquille arrière, toute droite et silencieuse. Elle m’a tout de suite plu, avec ses deux pneus ballons bien dessinés et son phare jaune de cyclope. Elle attendait, tranquille, son heure pour commencer à vivre. Et sûr qu’on partait d’un bon pied pour démarrer ensemble cette putain d’aventure, j’ai pensé.
La plaque d’immatriculation indiquait NY pour New York. Le gars s’était installé dans le coin pour suivre son entreprise en emportant la moto avec les meubles et sa femme. Mais l’état des routes lui avait entamé le cuir des fesses et son moral de rouleur s’était tassé avec ses lombaires. Voulait passer à autre chose. Tout comme moi. Après vérification de la compression du moteur, des roulements de roues et de quelques détails mécaniques, on a tourné autour pour chercher les défauts et négocier le prix. Il en voulait 4 000 dollars, j’avais 3 500 dans la poche.
Et puis, sa femme a appelé pour le déjeuner, avec un mot pas aimable pour la moto et les tracas qui vont avec. L’homme, un peu gêné, a tourné la tête et a regardé mon oncle, l'air soucieux : « 3 500 et vous me videz la cave de toutes les pièces. Vous laissez rien, ok ? »
On a fini de tout charger sur le pick up en milieu de journée. La dame avait préparé des toasts et on a bu tout ce qu’on a pu en bières fraîches et sodas. C’était une bonne affaire. La moto avait peu roulé, un modèle UL 1937 avec un moteur latéral de 1350 cc. Papa avait vendu les mêmes bien avant que je ne parte à la guerre et y avait encore des gars qui roulaient avec dans le coin et qui saluaient mon père en levant le pouce quand ils le croisaient. « Harley never dies » j’ai pensé, et j’ai appuyé avec mon pied gauche pour débrayer dans ma tête et enclencher une vitesse. J’avais remarqué le levier à droite et je savais que le premier proprio avait roulé en Indian, avec la possibilité de choisir entre côté droit ou gauche. Et il avait soudé le levier à droite du réservoir, par habitude. Parce que la machine passait après.
J’en ai fait le tour, mentalement, et planifié mon travail pour la mettre à ma main, comme on débourre un cheval avant de poser sa selle. J’avais la chance de disposer de l’atelier de la concession. Et de mon père pour m’aider.
Un vent de sable soufflait maintenant en projetant sur le véhicule des branches de ronces et des herbes mortes, rendant la route encore plus pénible avec l’obscurité. On avait bâché le chargement en prévision, et le pick-up avançait dans l’espace percé de deux cônes de lumière, transportant sur la benne un engin de ferraille et la totalité de mes économies.
Alors j’ai regardé mon oncle et goûté au bonheur fugace de posséder dans ce camion l’essentiel de ma vie : une famille, une route et un engin pour avancer, dans la poussière, au milieu des fantômes.A suivre...
Dernière édition par Dayton le Jeu 22 Oct 2009 - 16:23, édité 3 fois |
| | | Papy Mario Grand voyageur du forum
Date de naissance : 06/08/1957 Ou c'est que tu crèches : En Touraine (à la campagne) Ta brèle : Honda Jazz Exclusive Date d'inscription : 15/06/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 15:44 | |
| A suivre, mais vite .............. coooool |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 18:38 | |
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| | | Invité Invité
| | | | Bonduel fidèle
Date de naissance : 15/03/1957 Ou c'est que tu crèches : Chez Madame Ta brèle : 2015 Bonnie T100 Spirit Date d'inscription : 30/07/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Lun 24 Aoû 2009 - 19:57 | |
| Môssieur Dayton est un auteur. Pas un pisseur de mots en vrac. C'est du construit, du fait pour durer. Ca méritera, une fois terminé d'être tout mis bout à bout dans un dossier spécial, expurgé des commentaires de la valettaille admirative.
Dayton, si tu nous r'gardes, magnifique.... quel parcours ...
C'est bien quand un forum, prend de l'auteur. Y'a plus souvent du nivellement par le bas. |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 12:40 | |
| Ne penser qu’ à sauver ses fessesTournant le dos à la Concession du paternel, j’ai ouvert le robinet d’essence et pompé deux fois à l’aide de la pédale de kick, histoire de faire venir le mélange essence-air dans les deux cylindres. L’avance de la poignée gauche était calée comme il fallait. J’ai tiré le starter à fond et mis le contact. Le moteur a démarré immédiatement, après que la jambe valide se soit complètement dépliée sur la pédale. J’ai vite ramené le starter, car le moteur montait en température et menaçait de caler. Le rythme s’est alors fait plus lent et un son grave et rond a installé la moto dans un ronronnement de moteur bicylindre en V, plein du bruit de sa tringlerie et de ses soupapes, une mélodie de pistons et de clapets dont j’avais appris à connaître les moindres frémissements et modulations.
Laissant le moteur tourner, j’ai boutonné mon blouson jusqu’en haut, laissant juste un espace pour mon foulard fétiche, un carré de soie rouge appartenant à ma mère. Les gants de cuir, puis un serre-tête pour éviter les coups de soleil et contenir mes cheveux.
La pointe du pied a enfoncé la pédale d’embrayage et j’ai poussé la première. La moto a secoué ses 350 kg et a lentement pris de la vitesse, soulevant un nuage de poussière jaune derrière elle. J’ai baissé d’une main les lunettes sur mes yeux, tâté le paquetage sur l’arrière de ma selle et énuméré les objets embarqués comme quand on refait la liste des courses.
On y était. Parvenue jusqu’à la route goudronnée, la moto a accéléré, comme sur une piste d’envol. Plein d’une excitation soudaine, je suis parti d’un rire sonore en même temps que je laissais le panneau d’Auburn derrière moi, suivant des yeux la dernière éolienne dont l’hélice déglinguée marquait la frontière symbolique.
Plus rien ne me retenait dorénavant, j’avais rompu un lien de terre en filant vers l’est, et j’avançais dans l’espace comme un bonhomme gonflé à l’hélium. Le rire a continué à dégorger son flux irrépressible jusqu’à secouer la lumière du jour et les rides de chaleur, poussant jusqu’aux pentes de Main Hill et ricochant sur les rochers écrasés de poussière. Ce qui avait contenu l’essentiel de ma vie était derrière moi. Derrière moi, le souvenir d’un piéton blessé, vague insecte aux élytres rognées.
J’ai serré fort les poignées, décidé à suivre ce cheval de métal dans sa course, quoi qu’il advienne.
Je ne pouvais compter désormais que sur moi-même, et ça m’allait bien comme doctrine : ne penser qu’à sauver ses fesses. « Quand tu es seul tu es toi-même » ; c’était le titre d’un article paru dans l’Enthousiast de janvier. La citation était signée Léonard De Vinci dans le texte et j’imaginais bien l’Italien sur une moto lui aussi, dans une pliure du temps qui ferait se croiser nos chemins.
La pointe de la route marquait au loin la direction. Je n’avais qu’à suivre cette flèche de bitume et m’enfoncer dans les coulisses, persuadé que demain se jouait plus à l’est, et que la route elle-même, plus que le but à atteindre, relevait d’un intérêt vital, impérieux et trouble en même temps.... à suivre...
Dernière édition par Dayton le Dim 20 Sep 2009 - 10:24, édité 2 fois |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 14:30 | |
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| | | Sefero Forum Master
Date de naissance : 29/04/1949 Ou c'est que tu crèches : Nissa Ta brèle : des souvenirs.... Date d'inscription : 14/05/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 15:46 | |
| Super tout ça (Texte et photos) Juste un brin d'amertume: que restera-t-il de nos photos (argentiques ou numériques) dans 60 ans ? |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 17:35 | |
| coooool coooool coooool coooool délicieux .... possible si tu le souhaites de te faire des reproduction de grande qualité ( gracieusement bien sur) de tes originaux si tu souhaites concerver aux mieux ces derniers et pouvoir manipulé les repros je serais à Béziers courant octobre avec le matos .... à vous deux. |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 18:38 | |
| je t'appelle donc quand j'y suis ... coooool |
| | | Papy Mario Grand voyageur du forum
Date de naissance : 06/08/1957 Ou c'est que tu crèches : En Touraine (à la campagne) Ta brèle : Honda Jazz Exclusive Date d'inscription : 15/06/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 19:32 | |
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| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Sam 19 Sep 2009 - 20:30 | |
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| | | Invité Invité
| | | | Papy Mario Grand voyageur du forum
Date de naissance : 06/08/1957 Ou c'est que tu crèches : En Touraine (à la campagne) Ta brèle : Honda Jazz Exclusive Date d'inscription : 15/06/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Dim 20 Sep 2009 - 0:37 | |
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| | | Gilles Grand vizir
Date de naissance : 13/10/1964 Ou c'est que tu crèches : Toulouse Ta brèle : T120 2016 Date d'inscription : 30/08/2009
| Sujet: Road trip. Dim 20 Sep 2009 - 9:07 | |
| Tout simplement fabuleux, il n'y a pas d'autre mots!
Gilles |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Mar 29 Sep 2009 - 15:53 | |
| Connaître la mécanique J’enfilais maintenant miles après miles, assis sur le buddy, regardant tourner les chiffres du compteur avec la régularité d’une perfusion de glucose. Le moteur avait sa bonne température, et le son régulier avait quelque chose de rassurant dans tout ce silence. Débarrassé du stress du départ, j’étais à la contemplation des images qui avançaient dans la bonne direction.
La route ne m’était jamais apparue aussi déserte, vide qu’elle était de tout objet roulant à surveiller. Un simple mouvement des yeux guidait mon regard vers la gourde entoilée fixée sur la barre transversale du guidon, et une carte de Californie, épinglée sur un fil tendu à la base du windshield contenait la promesse d’une route rectiligne jusqu’au parc de Yosemite. Ce devait être ma première étape.
Dans un courrier de lecteur paru dans la revue citée plus haut, j’avais lu le récit d’une pause agréable dans ce parc, une clairière aménagée pour le touriste motorisé : bungalow à disposition, coin barbecue et petit lac pour se baigner. Ca ressemblait à une pub pour la bière, avec les couleurs dorées et des filles en maillot derrière les bécanes neuves. Une photo pas très nette illustrait le texte. On y voyait l’auteur émergeant d’une tente calée sur le guidon de la moto, et à ses côtés on devinait une tignasse brune et féminine. J’imaginais le confort précaire, l’odeur d’huile et d’essence persistant pendant la nuit. Pas vraiment le rêve pour une nuit d’amour avec sa copine.
Je laissais encore mon esprit vagabonder de collines en collines, notant les changements de végétations, la disparition progressive des cactées au profit d’arbres d’abord rabougris , hésitants, puis installés résolument comme de vrais arbres avec des oiseaux dessus et des branches solides.
Je m’arrêtais régulièrement pour vérifier l’état de la machine, arroser quelques nids de fourmi et me verser une gorgée d’eau tiède au fond de la gorge. J’en profitais pour me repérer sur la carte et soulager ma jambe; l’arrivée dans le parc était prévue pour le milieu d’après-midi.
J’avais calculé juste pour le budget. Ayant appris à vivre avec peu, je pensais me nourrir d’œufs brouillés et de patates pendant un mois, en théorie du moins. Il n’y aurait pas de toit pour m’abriter, et j’avais emporté une espèce de literie étanche qui pouvait me protéger d’une petite pluie et de la rosée du matin. Donc pas de tente à monter, et à tout prendre, il y aurait sûrement une bonne âme piquée de curiosité pour m’offrir le gîte en cas de grosse averse.
Enfin, profitant du réseau des concessions Harley, j’avais prévu de m’arrêter aux bons endroits pour offrir mes services au chef mécano, le temps de me faire un peu d’argent. Connaître la mécanique, c’est comme savoir cuisiner, il y a toujours à faire quelque part dans ce domaine, et mon père avait passé pas mal de coups de fil tout au long de la ligne rouge.
Rassuré sur ce point, j’étais persuadé de ne mourir ni de faim ni de froid, mais ce qui m’inquiétait le plus, et qui en même temps m’excitait bien, c’était de ne devoir compter que sur moi-même, persuadé d’être à ce point misanthrope que l’idée d’adresser la parole au pompiste me faisait frôler régulièrement la panne sèche.
J’allais me composer un personnage d’ermite motocycliste, autour d’une silhouette sombre et raide de crasse. Mes contacts avec le monde alentour seraient limités au strict nécessaire, et j’étais certain de pouvoir entrer avec facilité dans le personnage du sourd-muet. La poussière de la route collerait bientôt à mon visage et les lunettes une fois relevées, j’avancerais comme une chouette sonnée jusqu’au comptoir de zinc. Je laisserais tomber au passage un talc d’étoiles que la lumière accompagnerait jusqu’au sol. Cette aura de matière achèverait de me rendre unique, comme tombé du cosmos. Un silence s’installerait forcément dans le bar avant que le patron ne s’approche pour la commande…
J’esquissai un sourire et regardai la route filer sous mes roues. Quelques berlines sombres croisaient maintenant sur la highway et il m’arrivait de doubler un camion bâché ou une familiale remplie de gosses. Le temps de remonter par le côté gauche, j’avais un regard de biais pour leur intimité, avec la conscience d’être un voyeur éphémère, nourrissant l‘espoir d’une rencontre fulgurante. Mais le bruit de la moto précédant mon dépassement, et je ne collectionnais que des postures figées et inquiètes. J’avais alors un geste de la main amical et pacifique. De l’autre côté, la réponse soulagée d’un sourire surpris précédait le mouvement d’une vitrine qu’on descend rapidement. J’en profitais pour tourner plus fort la poignée de gaz, laissant derrière moi la voiture avant l’entame d’un dialogue.... A SUIVRE ...
Dernière édition par Dayton le Mer 21 Oct 2009 - 21:23, édité 1 fois |
| | | Invité Invité
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Mar 29 Sep 2009 - 23:01 | |
| je suis............... coooool |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Mer 30 Sep 2009 - 15:19 | |
| Serge quoi |
| | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Jeu 1 Oct 2009 - 10:50 | |
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| | | Bonduel fidèle
Date de naissance : 15/03/1957 Ou c'est que tu crèches : Chez Madame Ta brèle : 2015 Bonnie T100 Spirit Date d'inscription : 30/07/2009
| Sujet: Re: Coast to coast Jeu 1 Oct 2009 - 11:56 | |
| Encore une fois la prose de Dayton ne mérite que des éloges, du passage de pommade, du cirage de pompes et autres veuleries autant admiratives que méritées. La classe. |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| | | | Invité Invité
| Sujet: Re: Coast to coast Jeu 1 Oct 2009 - 13:27 | |
| c'est beau et sincère .... tout a ton image mon grand ... |
| | | Dayton Calife
Date de naissance : 05/12/1956 Ou c'est que tu crèches : TAHITI Ta brèle : Roadster NINE T Date d'inscription : 14/10/2004
| Sujet: Re: Coast to coast Mer 21 Oct 2009 - 21:05 | |
| Les deux écureuils de Walt Disney Le panneau indiquant Yosemite marquait ma première étape.
Juste un écriteau avec « National Park » tracé à la peinture. Des touristes avaient planté sur le trait de couleur des dizaines de clous ramassés sur la route, tous tordus et bien rouillés. Ca faisait comme une statue africaine avec des bouts de métal et des pointes de toutes formes. J’ai remercié le ciel d’être passé après eux, mais j’étais certain qu’ils en avaient oublié plein les routes et que j’aurai des nouvelles des rescapés dans pas longtemps.
Plus loin, un autre panneau détaillait l’organisation des gîtes et des sentiers à emprunter pour la balade. Il y avait un code de couleur en fonction des longueurs de circuit et ça allait de la demi-heure à la semaine. Se perdre dans les montagnes pendant une semaine ne m’avait jamais apporté rien de bon, et la dernière fois que je m’étais éloigné de la route, ça m’avait coûté pas loin d’une jambe. J’avais soif, j’avais faim, j’avais les fesses tannées par le cuir de la selle, malgré la fourrure de mouton censée éviter des eschares, et je me suis rappelé que je ne connaissais pas ce mot jusqu’à mon séjour au service des blessés de guerre. J’avais vu les dégâts sur les fesses de plus amochés que moi, des pauvres gars qu’on calmait à la morphine et que les infirmières couchaient sur le ventre pendant leur sommeil.
Continuant à me masser l’arrière train, je me dirigeai vers la guérite devant laquelle stationnait une famille en train de se goinfrer de donuts. Il y avait, plus loin, un magasin avec le nécessaire pour camper, se nourrir, et envoyer des cartes postales.
J’ai acheté une bouteille de coka et quelques œufs durs rangés dans un doggy bag, puis me suis assis contre une souche, le cul bien callé sur des herbes tellement vertes qu’elles semblaient juste repeintes. Tout en épluchant mon premier œuf, je mattais, à côté de moi, un couple d’écureuils tranquilles et pas farouches, jusqu’à ce que je m’aperçoive qu’ils étaient en vrai plâtre peint.
Je suis resté assis comme ça pendant un bon bout de temps, entre le vrai et le faux, ridiculement modeste au milieu d’arbres dont l’ombre avançait avec la lumière déclinante du jour. Je sombrai alors dans mes pensées les plus secrètes, qui allaient du plan éclaté d’un moteur latéral à la poitrine généreuse de Miss Blandy.
Il y avait maintenant tous mes personnages. L’oncle Rudy et son pick up, le cactus et sa chouette naine, l’infirmière qui me tamponnait les fesses et mon maître d’école dont la bouche était cernée de cristaux de sucre.
Mon esprit a continué à glisser vers le néant, d’autres personnages de ma vie sont passés comme sur une scène de théâtre au-dessus de ma tête et ont salué en souriant un public aveugle. Alors, réalisant qu’il s’agissait d’un rêve, je suis sorti précipitamment du théâtre et me suis mis à courir dans une forêt imaginaire et sombre, mais j’étais toujours dans mon rêve. Dans un dernier sursaut, j’ai repris conscience au moment où j’allais assommer Tic et Tac, les deux écureuils de Walt Disney, avec une batte cloutée.
Je restai un moment les yeux ouverts dans le silence du parc, me demandant bien ce que je faisais là et qui avait ouvert la cage aux écureuils. Je me relevai avec difficulté, et entrepris de pousser la moto sous un grand cyprès, pour la nuit. Puis, après avoir déroulé sur les fougères mon sac de couchage étanche, j’ai cherché un endroit pour me débarbouiller et vider ma vessie. Derrière le magasin, j’ai aperçu un box en rondins avec les sanitaires pour hommes.
Quand j’ai posé mon rasoir sur le rebord de l’évier, j’ai levé la tête lentement pour apprécier le travail. Peu à peu mon visage s’est mis à ressembler à celui de mon père, avec les mêmes rides autour des yeux et, la poussière sur les cheveux aidant, je me suis senti plus vieux que mon âge. Je suis resté un moment sans bouger, à suivre précisément les traces du temps sur mon visage, étonné que la distance qui m’éloignait de mon Vieux me rapproche si vite de ce qui allait devenir notre marque commune.
Depuis l’extérieur du bloc, me parvenaient le bruit des chocs des maillets sur les piquets de tente, les cris des gamins qui couraient dans tous les sens, le chahut des voix de touristes joyeux de se trouver au milieu de l’ordre primitif des grands arbres, toute une panique de sons et de mouvements qui me renvoyaient à d’autres images dans d’autres lieux moins pacifiques. Je portai machinalement la main à ma jambe et me hâtai de ranger mes affaires de toilette, sous la lumière d’une ampoule électrique attaquée par les papillons de nuit.
Comme j’approchais du campement, la silhouette d’un homme vint à ma rencontre : « C’est à vous la moto, sous l’arbre ? » et il pointait son doigt vers la Harley dont le moteur finissait de refroidir. Comme j’acquiesçai, il avança un peu plus dans ma direction. « Belle machine que vous avez là. New York, ça fait une traite, dites donc ». Tout en me parlant il examinait plus précisément la moto, les sacoches, le windshield, s’interrogeait sur la position du levier de vitesse. « Je ne viens pas de New York. C’est l’ancien proprio qui habitait ce coin. »
Et puis, très vite, comme chaque fois que je rencontrais un curieux, mon visiteur s’était mis à évoquer sa propre moto et les anecdotes qui vont avec, pour ensuite aller vers le plus intime et pousser vers la confidence et les histoires de femmes.
La trousse à outils entre les jambes, j’ai commencé à resserrer la visserie qui avait tendance, sur ces machines, à se carapater avec les vibrations. Je voulais en finir avant la nuit noire. Assis sur l’herbe au milieu des clés plates, je l’écoutais me raconter l’histoire de son knucklehead modèle 1934, tout en hochant la tête pour l’encourager à poursuivre. « Et puis à un moment, il a fallu décider, ajoutait-il. C’était elle ou la bécane ». Il a poursuivi, comme ça, jusqu’à ce que la pénombre nous enveloppe complètement, jusqu’à ce que nos voix, résonnant dans le silence des grands arbres, se perdent au cœur noir de la forêt. Le bonhomme évoquait maintenant ses souvenirs d’un murmure solitaire, et, tout en l’écoutant attentivement, j’avais l’étrange impression de découvrir les prochains épisodes de ma vie.
A suivre... |
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Date de naissance : 11/04/1958 Ou c'est que tu crèches : là-bas Ta brèle : TT mécatwin tangerine Date d'inscription : 07/06/2007
| Sujet: Re: Coast to coast Jeu 22 Oct 2009 - 9:12 | |
| oh oui, à suivre !!! coooool |
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| Sujet: Re: Coast to coast | |
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