De Guzzi à Triumph

Merci pour votre accueil et vos paroles encourageantes. Je réponds à chacun dans le désordre, mais avant toute chose, il faut que vous sachiez que je suis atteint d’une maladie héréditaire assez rare, heureusement pas mortelle, appelée le syndrome de Dumas-Christie-Vanpieperzeel, du nom des trois scientifiques qui l’ont découverte. Il s’agit d’une lectirécritite chronique, associant les symptômes de la lectirite et de l’écritite, laquelle se manifeste par un besoin compulsif de lire et d’écrire. Avec mes commentaires, vous avez ainsi de la lecture pour toute la semaine.

Mon choix d’une Bonneville se comprend si vous adoptez mon point de vue : j’aime les motos sobres, classiques, qui ont du « caractère », du charme, sur lesquelles on est assis de façon sénatoriale et avec lesquelles on roule pépère, sur le couple, que ce soit sur grand route ou en montagne. Mon choix ne dépend donc pas de la géographie du terrain, mais de mon attrait, de mon coup de cœur. De plus, pour moi il n’y a que trois marques de moto : Guzzi, Triumph et BMW (uniquement les vieilles twins à carbus). Les autres n’entrent pas en ligne de compte. Je voulais aussi une moto sur laquelle on s’assied, du genre « J’ai envie de partir ? Hup, je l’enfourche et je suis parti. » et non pas une, comme ma BM 310GS, sur laquelle il faut grimper. J’ai acheté cette dernière, une GS justement, pour rassurer mon épouse, mais ce n’est pas vraiment le type de moto qui me convient, malgré toutes ses qualités. La Scrambler ? Non, je n’aime pas son look. Après avoir éliminé Guzzi, j’étais parti pour une Street Twin, plus légère, mais la T100 m’a séduit avec son look que je qualifierais de plus authentique. Peut-être aurais-je préféré une T100, dont la cylindrée me suffit amplement, mais j’ai trouvé cette belle T120 d’occasion et je n’ai pas pu résister. Elle devrait faire l’affaire. J’ai mes deux pieds bien à plat par terre et dès qu’elle est en mouvement, la différence de poids avec la T100 ne semble pas trop se faire sentir.

Oui, Gunthar, j’ai aussi lu ici et là qu’elle tire long, ce qui de premier abord me plait beaucoup, mais ce qui pourrait aussi être un handicap. L’expérience me guidera. Rien qu’à la pensée qu’il faudra la raccorder à son cordon ombilical pour la réétalonner et changer dieu-sait-quoi à l’ECU, je tremble de frayeur.

Vous n’allez pas me croire, mais j’ai eu fort mal au dos, puis une sciatique à bascule s’est déclarée. C’était avant d’acheter la BM. Dès que j’ai recommencé à rouler à moto, quasi plus rien, plus de sciatique et mal au dos uniquement par moment. Il n’y a que l’humidité qui me joue encore des tours. Je vais publier cela dans The New England Journal of Medecine comme nouvelle thérapie pour les sciatiques…. Pas question de rouler un peu plus en avant, en appui sur les mains ! Que du contraire. J’ai aussi les poignets en compote et un canal carpien qui va et qui vient. Non, je vais commander un rehausseur-rapprocheur de guidon pour être encore plus droit, comme je l’ai fait sur la BM. À chacun son truc.

Mon « type de roulage » est très conventionnel en Crète : 10% sur grand route et 90% en montagne. Je refuse GPS, smartphone et autres aides à la conduite, raison pour laquelle je me perds souvent, mais cela fait partie de mon plaisir : retrouver ma route. La majorité du temps, je pars sans but précis ; le but, c’est la moto, pas un endroit précis. J’envisage d’aller sur le continent, en Allemagne, en juillet prochain pour participer à la 20ème édition du Triumph Owners Club, mais ça, c’est un projet, rien de plus. Voyons d’abord ce que me dit mon corps rouillé. Quand je vais en parler à mon épouse, elle va faire une crise de nerf ; je le crains.

Les deux choses que j’appréhende sont : la panne en pleine montagne – je déteste les motos modernes tout électronique ; vive les carbus et les vis platinées ! – et la crevaison. Les jantes à rayons Triumph sont magnifiques, mais elles demandent des chambres à air, donc pas moyen de se sauver avec un Dynaplug tellement facile et utile. Il ne me reste qu’à convaincre mon épouse de me payer des jantes Kineo pour le Nouvel An de 2019. Ce ne sera pas facile !

Si j’ai l’esprit jeune, mais le corps patraque, c’est à cause d’un excès de mécanique moto, d’avoir fait pendant ces dernières années de la ferronnerie d’art comme hobby, mais aussi d’avoir dû pendant des dizaines d’années tordre la poignée de gaz des Guzzi. J’ai un avant-bras droit comme Hulk, mais mon poignet droit est en marmelade. Avec des poignets en meilleur état, je n’aurais pas hésité à m’acheter une vieille California à carburateurs. Avec une telle moto, aucune peur à avoir de tomber en panne électronique et pour le reste, un tournevis suffit. Hélas, il me fallait une moto moderne avec des poignées de gaz souples. Elles sont trop souples : la moindre bobosse bouge la main et fait varier la vitesse. Tout sur les motos modernes est à changer : pour les petits à-coups à basse vitesse liés à une mauvaise injection (l’ECU ne comprend pas s’il doit donner l’ordre d’injecter ou de diminuer de l’essence) il faut un booster plug ; il faut virer le catalyseur et l’échanger avec un X-pipe ; le pied central est une option, … Dois-je continuer la liste ? Elle est sans fin.

Il y a bien longtemps, quand j’étais tout petit, mes parents écoutaient une émission à la radio le dimanche matin qui s’intitulait « Opéra et belcanto ». C’était juste après les nouvelles, qui étaient suivies par la voix d’un bonhomme qui disait toujours la même chose : « Bruxelles : les convoyeurs attendent. Bruges, les convoyeurs attendent. » Bref, partout les convoyeurs attendaient, mais je ne savais absolument pas de quoi il parlait, jusqu’au jour où mon père me l’a expliqué : c’était les amateurs de pigeons voyageurs qui attendaient que leurs petites fortunes à ailes reviennent au bercail.

Ce sont de ces petites choses qu’on n’oublie pas et qui me font dire aujourd’hui : « Crète : gaeter attend. »

Ma moto devait m’être envoyée le vendredi 11 janvier, mais le transporteur n’a pas pu joindre le concessionnaire parce que tout le centre d’Athènes était bloqué à cause de la visite de la chancelière Merkel. C’était donc remis au lundi 14. Ils ont failli ne pas savoir aller la chercher ce jour-là non plus, parce que le centre d’Athènes était bloqué par la manifestation des enseignants, qui rouspètent parce que Tsipras veut modifier, à raison, le système scolaire. Ce lundi soir, ma moto est restée à l’entrepôt. Elle devait partir le mardi soir, mais tous les bateaux sont restés à quai à cause des grands vents, jusque 9 Beaufort.

Partira, partira pas aujourd’hui ? Mystère et boule de gomme !

Et la voilà emballée, prête à partir :